La liberté de publier. Politiques de l'édition équitable et bibliodiversité au Canada

CRSH, Savoir, 2023-2028

En 2022, l'Alliance internationale des éditeurs indépendants réaffirme son engagement en faveur d'une plus grande équité dans le milieu du livre. Le manifeste « Pour une édition indépendante, décoloniale, féministe, libre, sociale et solidaire » s'inscrit dans l'action des 800 maisons d'édition qui militent pour la bibliodiversité. Je propose d'explorer les ramifications en sol canadien de ce programme. Il s'agira de réfléchir aux iniquités structurelles et aux formes de censure qui persistent à ce jour et qui vont à l'encontre des différentes acceptions du concept d'équité. Ce projet porte sur l'édition anglophone, francophone autochtone et diasporique.

En me penchant sur la notion d'équité (économique, sociale et environnementale), j'ai pour ambition d'offrir une meilleure compréhension des enjeux politiques qui caractérisent le fonctionnement du système éditorial canadien actuel. Les objectifs de cette recherche sont de: 1) Définir les concepts d'équité économique, sociale et environnementale appliqués au monde du livre au Canada. 2) Favoriser une compréhension globale des enjeux politiques propres à l'industrie du livre au Canada en fournissant un panorama de son fonctionnement. 3) Faire avancer les connaissances spécifiques en sociologie de l'édition et en histoire du livre en proposant une cartographie des mutations actuelles de l'industrie du livre. 4) Recadrer les débats sur la liberté d'expression dans le secteur éditorial à la lumière des questions d'équité.

Si la bibliodiversité désigne la participation active à la vie de la culture, si elle renvoie à la fois à la vitalité des cultures minorées et à la manière dont leur existence éditoriale met au défi les hégémonies culturelles et économiques, il convient de faire du Canada notre lieu d'observation en raison de son caractère plurilingue et de son modèle économique hybride, à la fois soumis aux lois du marché et fortement subventionné. Différentes conceptions de la place du livre dans l'espace social y entrent en choc (par ex. entre ce que le Conseil des Arts du Canada concoit comme un éccosystème équitable et l'action d'Amazon). Fédérer ces enjeux politiques autour de la notion d'équité vise à reconnaître l'importance de la lecture comme activité culturelle, sociale et politique, de la démocratisation des livres, et la visée émancipatrice et citoyenne du livre.

Ce projet interroge également la place spécifique de la circulation du livre dans l'espace public, la place du livre dans une société démocratique et pluraliste. En quoi les valeurs d'équité qui circulent dans le monde du livre, à la fois dans les idées diffusées et dans les pratiques prescrites, ont-elles un effet sur la défense de la liberté d'expression? En quoi cette liberté d'expression est-elle une condition essentielle à la constitution d'un espace public pluraliste?

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Réseaux intellectuels francophones : université et imprimés

Secrétariat du Québec aux relations canadiennes, 2023-2026

Il s’agira dans ce projet d’observer en parallèle des imprimés (livres savants, édition générale, revue de création) et l’histoire de départements universitaires de langue françaises. De quelle manière ces différents imprimés s’appuient-ils sur des bassins d’auteur.trices gravitant autour de l’université? De quelle manière les départements universitaires participent-ils à la vie culturelle? Comment les réseaux intellectuels francophones se constituent-ils sur la base de ces interactions?

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Une quête pour l’indépendance éditoriale en contexte francophone : discours et pratiques

CRSH, Développement Savoir, 2019-2023

En novembre 2018, au Québec, la commandite par Amazon du Prix littéraire des Collégiens a provoqué des réactions outrées; en France, à l’automne 2017, de nombreux libraires ont protesté devant la mise en nomination de Bande de Français de M. Koskas, livre autoédité et diffusé sur Amazon. Ce qui est mis en cause, c’est la précarité de l’écosystème du livre, plus particulièrement son indépendance par rapport aux conglomérats médiatiques qui menacent la propriété et la diffusion des contenus intellectuels. Dans le monde éditorial, l’indépendance apparaît comme une valeur cardinale. Elle est utilisée de manière indistincte pour désigner des réalités économiques, des positions politiques, ou des valeurs esthétiques d’éditeurs de taille et de statut variables. La notion d’indépendance se caractérise par ses usages variés, voire contradictoires. Ce problème de définition a des impacts négatifs sur la gouvernance du secteur culturel. Mon objectif principal est de définir la notion d’indépendance éditoriale et d’identifier les effets de la mondialisation et du néolibéralisme sur les conditions sociales de circulation nationale et internationale des livres.

À l’aide d’assistants de recherche provenant de disciplines diverses , je mettrai au point une définition de la notion d’indépendance qui tient compte de sa construction par les discours et par les pratiques professionnelles qu’ils engagent. Ce projet exige des outils interdisciplinaires afin de saisir les tensions entre hégémonie et résistance culturelle, car il provoque le contact entre la sociologie de l’édition et de la culture, le domaine juridico­ politique (liberté d’expression, censure étatique, législations commerciales) et les développements technologiques (transformations numériques de la production, de la commercialisation et de la circulation de l’objet livre). Sa méthodologie se base sur l’analyse de discours produits par les éditeurs, de discours médiatiques sur l’industrie culturelle, et sur de la recherche en archives. Elle utilise à la fois des données quantitatives (nombre d’employés, chiffres de ventes) et qualitatives (les discours et les valeurs éthiques, politiques et morales qu’ils véhiculent).

Les résultats de cette recherche intéresseront 1) les spécialistes en sociologie des industries culturelles, plus particulièrement du secteur du livre 2) les professionnels du livre et les institutions de gouvernance culturelle qui réclament des outils pour saisir les transformations de l’univers matériel du livre, 3) le grand public intéressé par le débat qui concerne les rôles et responsabilités des médias dans une démocratie pluraliste.

Ce projet fait le pont entre le passé et le présent, entre un moment où l’indépendance était exclusivement définie en termes politiques, et l’époque contemporaine, où le néolibéralisme a changé la signification de l’autonomie artistique. Il trouvera sa pertinence dans le regard critique qu’il pose sur la production et la circulation de biens culturels.